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Le Renard

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Un court texte sur le même thème que la nouvelle publiée dimanche dernier : Eliot et le Coussin.

Agathe trouvait que son doudou, un gros coussin en forme de renard, avait terni. Il avait perdu les couleurs de sa jeunesse. Son orange si vif n’était plus qu’un jaune pâle presque écœurant. Ses yeux si noirs semblaient voilés avec leur tinte grisâtre. Les poils de sa moustache, si fièrement dressés autrefois, ne se relevaient plus. Il était pourtant placé à la meilleure place. Dans son petit studio parisien, il trônait jalousement sur l’encadrement en noyer de son clic-clac. Il ne faisait pas partie du groupe de coussins et de plaids qu’elle jetait négligemment par terre à chaque fois qu’elle dépliait son lit. Il avait une place fixe, entre le cadre photo dans lequel Agathe posait avec sa meilleure amie et la boule à neige qu’elle avait ramené de son unique voyage à Londres. Il n’était pas non plus de ces peluches qu’Agathe n’avait jamais voulu jeter et qui s’entassaient dans le coin du fond, sous la soupente où Agathe n’allait jamais, sauf pour régler la chaleur de son radiateur d’appoint. Lorsqu’elle invitait ses amis, le doudou était toujours au centre des conversations. On le trouvait mignon, doux, irrésistible. On voulait savoir d’où il venait, pourquoi elle le gardait là. Alors Agathe racontait toujours la même histoire, toujours avec la même étincelle dans ses yeux. En public, elle ne faisait jamais remarquer qu’elle le trouvait un peu moins beau qu’avant.


Un jour, elle en parla à sa meilleure amie. Celle du cadre
photo. Elle lui suggéra de le laver. Agathe prit toutes les précautions
nécessaires. Elle réserva une machine dans la meilleure laverie de son
quartier. Une machine juste pour son coussin. Elle prit la lessive la mieux
notée sur les comparateurs internet. Elle sélectionna le cycle le plus cher, le
plus délicat et le plus long. Elle attendit en regardant son Renard tourner
dans le tambour. Elle ne le lâcha pas des yeux, pour qu’il n’ait pas
l’impression qu’elle utilisait ce temps à son profit. Elle lui était entièrement
dévouée. Il ressortit de la machine plus doux qu’avant, tout chaud, sentant bon
le pin des Landes. Mais il n’avait pas retrouvé son éclat. La meilleure amie d’Agathe
lui expliqua qu’elle avait lu que la lumière du soleil pouvait parfois
décolorer les tissus. Pendant un mois, Agathe n’ouvrit plus ni les volets ni
les rideaux de la minuscule fenêtre qui laissait habituellement pénétrer
quelques rayons de soleil dans son petit appartement. Agathe fut terriblement
triste durant tout ce mois et le Renard continua à perdre ses couleurs. Il
déclinait à vue d’œil. Agathe rouvrit les rideaux et les volets de sa minuscule
fenêtre en serrant le Renard dans ses bras. Elle soupira et le reposa à sa
place.


Une nuit, le Renard se réveilla. Il se vit dans la glace du
lavabo collé au mur du fond, à droite du clic-clac déplié. Il n’avait vraiment
pas bonne mine. Il était en train de mourir. Il n’avait jamais eu à se plaindre
de toute sa vie de peluche. Depuis qu’Agathe l’avait adopté, elle était aux
petits soins. Il n’avait jamais été foulé du pied comme tous ses coussins qui
gisaient à terre et qu’Agathe écrasait en se levant la nuit pour aller aux
toilettes, sur le palier. Tous les jours, Agathe lui parlait et le
complimentait. Lorsqu’elle avait des invités, il avait systématiquement le
droit de participer à la soirée, assis sur les genoux d’un des convives. Il
avait eu une belle vie de coussin. Elle prit fin dans l’ombre de la nuit. Il
sauta de son perchoir en noyer, se faufila entre les autres coussins qui lui
dirent au revoir, bien heureux que l’un d’eux puisse prendre sa place au-dessus
du clic-clac, et sortit par la fenêtre entrouverte. Sa vie de Renard commença
cette nuit-là.


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