Les Égoèmes

Les Egoèmes #27 – Les idiomes des jeunes

image_pdfimage_print

Il est venu le moment de lancer la 27ᵉ édition des Egoèmes !
Et le thème de ce mois juin c’est “Les idiomes des jeunes”.
Et si on jouait avec la langue, les nouvelles expressions, et tout ce qui nous fait nous sentir vieux si jeune ?
Le thème est laissé à la libre interprétation des participant·es

Comment participer ?

Les participant·es ont une semaine pour envoyer leur création.

Date limite : jeudi 12 juin 2025 à midi
Adresse d’envoi : egoemes @ larathure.fr (sans espaces)
Conditions de participation : suivre les comptes Instagram @larathure et @lesegoemes .

Comme à chaque édition, un texte de calibrage sera partagé pour aider le jury dans son évaluation.

Le jury de cette édition

Les jurys de cette édition sont les lauréat·es de la précédente édition :

Retrouvez leur présentation et toutes les actualités du concours sur la page @lesegoemes.

Askip, faut s’y mettre !


Texte n°1 – Le langage de feu 

Dans la cour, ça fuse,
Des mots nouveaux, des codes,
Des éclats de rire,
Des regards complices,
Des « wesh », des « t’inquiète »,
Des « ça passe crème »
Qui roulent sur la langue
Comme des billes de verre.

J’écoute, un peu perdue,
Leurs phrases qui dansent,
Leurs expressions qui claquent
Comme des drapeaux au vent.
C’est un feu d’artifice,
Une révolte tendre
Contre le gris du quotidien.

Ils parlent pour exister,
Pour se reconnaître,
Pour dire « je suis là »,
Pour défier le silence
Des adultes qui ne comprennent pas
Leurs refrains de bitume.

Sous des mots qui débordent,
Je sens battre un cœur,
Un besoin de lumière,
D’espoir, de paix,
De se sentir unique
Dans la foule des journées.

Leur langage est un poème,
Un cri, un refuge,
Un pont fragile
Entre l’enfance et demain.
Et moi, j’écoute,
Émue,
Leur jeunesse s’invente
À chaque mot. 

Texte n°2 – Mots Rebelles 

Nos phrases dansent, libres et sans chaînes,

Comme un défi lancé aux vieux dictionnaires.

On bricole, on chavire, on mêle les ères,

Et nos voix s’amusent à briser les peines.



Ça slaye, ça déchire, c’est ouf, c’est trop frais—

Autant de cris qui piétinent les grammaires.

Les adultes froncent les regards sévères,

Mais nos éclats de rire creusent leurs palais.



Chaque mot volé, chaque invention vive,

Est un éclat de nous, un souffle, un secret,

Un moyen de parler sans dire vraiment.



Le langage est un feu, une ruse, une rive,

Où l’on se cache et s’aime en criant gaiement :

« Le futur est à nous, écoutez nos extraits. » 

Texte n°3– T’es pas ma daronne 

T’es pas ma daronne,
Faut pas déconner
Sur mes fringues,
Sur ma façon de penser.

J’ai pas besoin d’une conseillère
Pour jouer les rôles de ma mère.
T’as pas trouvé de taf ?
Viens pas gratter dans mon staff.

J’suis pas l’ genre de meuf
Qui kiffe la mer et les surfs,
Qui va à la plage mater des fesses
Juste pour appâter des fauchés.

J’suis pas non plus une sainte,
Toujours lisse, toujours droite.
Je me casse pas quand ça parle mec,
Cerveaux débiles et chèques en bois.

T’as merdé quand t’étais jeune
Et tu veux me faire la morale ?
Je serais bête d’ignorer ton passé,
Tes sales histoires, ta mémoire bancale.

Je joue pas l’enfant poli
Juste pour valider tes délires.
Danser sur ta musique foireuse
Pour plaire à la société ? Plutôt crever.

J’aime pas les gens parfaits,
Recule d’un pas si t’en es un.
Si tu me critiques, fais-le caché —
En face, je suis tout sauf un agneau. 

Texte n°4 – Chokbar 

Devant les mots si bizarres
Par mes fils utilisés,
Je suis chokbar de bz !
Pourtant quelques-uns, chanmés,
Peuvent souvent me charmer.
C’est ainsi que dans le lot,
Il en est certains que j’aime,
Comme zoulette ou yolo,
En soum soum ou passé crème.
Je m’enjaille ou j’ai le seum
Quand j’ois bavarder les jeunes ! 

Texte n°5 – Ride or die 

Ma bestie, me porte un regard noir

Dans ce lycée, ces froids couloirs.

Elle ne veut plus me voir.

Je suis devenue leur bête de foire.



Leur dard m’agresse, c’est la hess.

Ne plus lui parler me stresse.

Éclatée au sol, ma jeunesse.

Je suis en PLS.



Nous deux, ce n’est plus ride or die*.

Coups de poignard en rafales,

Mots transperçant mes entrailles.

Je suis dans le mal.



Teint blafard, traces dans ma chair,

Colère en artère, exprimée en vers.

Enchaînée en peines, brisé mon verre.

J’ai les nerfs.



Conseils en larsen de ma reum,

Notre amitié givrée en linceul.

Deux moins un, je suis toute seule.

J’ai le seum.



Équation réglée,

Sentiments exprimés.

Sans elle, je vivrais.

C’est carré… j’espère que ça l’est.

Texte n°6 – Traversée d’une âme damnée 

Les feuilles mortes jonchent le sol et craquent sous mes pas,
Les hululements résonnants me glacent le sang jusqu’au bout des doigts.
J’erre seul dans cette chelou forêt,
Semant mon seum à la manière du Petit Poucet.

Flemmard traînant des pieds dans la pénombre de ces bois,
Ma race flippant, que la nature sur moi reprenne ses droits.
Je retrouvai foi, lorsque mes yeux croisèrent ceux d’un homme,
A l’allure d’un vieux daron, se tenant devant une barque,
Droit et fier comme un conquérant de Rome.

“Je t’attendais”, dit-il en me voyant.
Caressant sa longue barbe dans laquelle le vent soufflant,
Hérissait mes poils, ne captant pas ce que je vivais en cet instant.
“Qui êtes vous? Quel est votre blaze?”, dis-je en bégayant.

“Charon est mon nom.
Ma barque est semblable à une prison,
Transportant les âmes veuves,
De tout acte de bien.
Je suis le passant qui fait traverser le fleuve,
Des morts qui ne regrettent rien.
Je t’emmène vers cette décision divine,
Que ton âme traverse,
Ô miskine, ici ta vie se termine.
Dis adieu à tes activités perverses,
L’Enfer t’enchevêtra de ses solides racines,
Là où tes supplications ne seront point entendues,
Là où tu ouïras sans cesse ces cris hurlants qui conversent,
Tu te mêleras au choeur, la joie à jamais disparue”.

“Il a craqué”, c’est ce que je me disais,
Le fou du bus qui pourtant me fixait,
Je tentais de m’échapper, mais une force,
Invisible mais féroce,
M’en empêchait.

Une ombre lourde, une aura profonde,
Me chassa de mon refuge,
Que fut le monde. Et de mes pensées inonde,
Mon espoir s’agrippant, tentant une fugue,
Échafaudant un subterfuge,
Pour sauver mon âme sombrant dans le déluge.

« Tu peux t’enfuir autant que tu voudras,
À ton funeste destin tu n’échapperas pas ».
Le ciel devint rouge écarlate,
Dans le fleuve devenu enflammé ces âmes se débattent,
Les visages profanés fondaient dans un cercle perpétuel,
Condamnés à la souffrance éternelle,
Ces Hommes du bas monde qui autrefois se croyaient immortels.

Je compris que l’Enfer venait me torturer,
Que je brûlerai ainsi pour l’éternité,
Sans pouvoir être secouru,
Je suis vaincu, ô âme déchue.

Lorsque le diable m’a bipé,
Son appel j’ai accepté,
Et en deux-deux je l’ai suivi,
Dans ses enivrants jupons maudits.

Je suis soumis à mon châtiment,
Pour avoir signé ce pacte alléchant,
Le démon s’est réjoui, ô grand gagnant.

Je regrette d’avoir kiffé toutes ces vanités,
Faisant de moi un homme égaré.
Le bien m’a oublié, comme jadis, j’ai pu le ghosté. 

Texte n°7 – Wesh Mam’zelle 

Je zone dans le quartier,
Comme tous les soirs après le bahut.
Toujours les mêmes gosses dans les buts
Du parc, avec leur pauv’ballon cabossé.

Dans ma rue, toujours l’même gris,
Dans le ciel, comme sur les murs crades
J’rêvais de couleurs, j’reluque que du fade.
Mon ami, j’te dis, c’est la Hess la vie.

En bas, de c’vioque d’HLM,
Toujours les mêmes relous qui crèchent,
Qui bicravent et me mattent le derche.
Ils m’balancent des wesh et des JTM.

J’réponds pas, j’veux pas d’leur came,
Ni d’leur Mam’zelle.
Mais aujourd’hui, un des keums fait du zèle.
Il veut mon 07 et me lâche pas les cannes.

« Meuf, soit sympa, t’es Djomb, »
« Charo, je suis pas une tchoin, »
Trop tard, me v’là coincée dans un coin.
Pourtant, la jupe était pas si courte, j’suis yomb.

Ma daronne a voulu que j’balance aux keufs
Maintenant, je suis la pookie, cheh, frérot.
J’suis la michto, celle qui cause le seum dans le bendo,
Celle qu’on a ban de toutes les teufs.

Les flics, ils s’en balec.
Paraît qu’il y a pas d’preuve,
Y aurait fallu qu’on l’filme pendant son œuvre,
Et encore qui en a foutre d’une pauv’go de cité, mec ?

Texte n°8 – Djen Zi 

C’est kif kif bourricot
Dis-je en finissant mon verre d’eau
Annick éclate de rire
C’est une expression de vieux, quels souvenirs !

Je l’entendais enfant
Dans la bouche de ma maman
Elle n’est plus là aujourd’hui
Mais ses mots sont restés ici

Alors quand je dis à ma fille
Lors de nos balades en famille
Wesh, y’a R, claqué au sol, la faim

Tous ces mots que j’entends sur les réseaux
Et que je trouve rigolos
Je l’aide à devenir la ieuv de quelqu’un. 

Texte n°9 – Askip… 

Askip on vieillit
Et on comprend [plus] bien
Moi j’écris sur les p’tits
Sur ces touts et ces riens
Pour ne pas m’éloigner
Pour ne pas [m’]oublier

Askip on vieillit
Ça ne m’empêche pas d’avoir des crush
D’avoir le seum, d’être dans le rush
D’être déter comme ils disent ici
Ou là : est-ce l’endroit qui dicte ça ?
Ou juste la jeunesse aux mille éclats ?

Askip on vieillit
Ils sont idiots, on est cons ou aigris
Mais dans nos idiomes un peu vieillots
Ou dans les leurs, quelquefois si géniaux
On passe tous par la même émotion
Ce besoin de parler avec passion

Alors, oui : on vieillit
Mais, surtout, on grandit
On le crie, et l’on vit ! 

Texte n°10 – Evolution 

L’alarme sonne, le sommeil m’abandonne, je prends le téléphone
Ce son est affreux, le chant du coq est mieux… Soudain curieux
J’allume vite fait et je scrolle, pas un message, sérieux ?
Douche, fringues en deux deux, c’est l’école qui conditionne

Voilà qu’à peine sorti, je réclame de la musique
Mes jambes sont engourdis, l’angoisse du lundi
La flemme m’accompagne, mes yeux trahissent un sommeil merdique
Plus que de rush la nuit

Mais même si j’suis éclaté,
Mes dm j’ai grave géré
C’est pas une compet, mais pas besoin d’IA
Le soleil brillait même pour moi

À peine arrivé à l’école, j’aperçois déjà les potes
Le stress, la fatigue et la frustration
Présents mais absents, chacun absordé par son gadget
C’est à ça qu’on reconnaît un étudiant

À midi on graille, j’avoue on tient de justesse
L’après-midi c’est la même, on survit
Et pendant qu’on rentre, le froid s’installe, moins violent que la hess
Le soir on appréhende demain, vivement samedi !

Demain et les jours d’après, ce sera le même refrain
C’est la vie, notre quotidien
Une fois qu’on capte que c’est la rue
On s’y habitue

Et oui fini les rêves, place à la réalité
La langue a changé, le monde a évolué avec le temps
Pourtant on continue tous à rêver de liberté
Et même si ce discours n’est pas évident, j’attends ce printemps revigorant. 

Texte n°11 – pls 

pls
j’ai plus d’énergie pour les majuscules
plus de force pour commencer les phrases
j’ai glissé dans un scroll infini
où même les blagues me jugent

j’ai écrit « lol » sans y croire
envoyé des reels comme des bouteilles à la mer
et j’ai mis « pls »
parce que « je souffre »
c’est trop premier degré

on m’a envoyé un gif
un chat qui tombe
j’ai ri
puis j’ai pleuré
dans cet ordre-là
ou l’inverse

j’ai gardé « pls »
comme un point final
ou une excuse
au cas où quelqu’un lirait entre les lignes 

Texte n°12 – Entre deux proses arbitraires 

L’une est neuve et rebelle, l’autre dense et moins actuelle
Deux proses arbitraires qui s’affrontent pour demeurer souveraine;
Dans des lexiques qui s’ajustent à nos perceptions nouvelles;
Pour une soif de modernité aguichante qui est décriée vilaine.

On déambule entre deux époques où le langage est extensible
À rebours des phrases d’antan, on se fagote d’une voix plus flexible;
Renoncer à des discours formels qui sonnent en verve confuse,
Pour des biais inédits d’élocution en verlan facile qui se diffuse.

Loin de paraître mal dégrossi d’une façon de brailler qui se dénote,
L’argot est un langage vivant qui revitalise toute désuète note;
Le vocabulaire se dynamise pour donner le change à d’autres recours,
Moyens contemporains de prétendre à tchatcher sans être trop lourds.

Relou comme boloss déclinent l’individu taxé malotru en cieux bourgeois
C’est le nouveau ton qui édifie sur cette révolution loin des sentiers étroits ;
Cap ou pas cap de foncer dans le tas d’expressions décousues ?
Car il est temps de démocratiser les ajouts et néologismes répandus.

LaFontaine serait frustré de tant de légèreté dans cette parole crasse
Tant est qu’il ne verrait aucune crédibilité à
s’investir d’idiomes cocasses;
Un ramage fuse dans les précarrés de linguistes et écrivains en instance de fureur,
Contre une génération inventive qui crée son hymne sans occulter le verbe d’honneur. 

Texte n°13 – Traduction simultanée 

J’ai demandé à mon p’tit frère :
— « Tu vas bien ? »
Il m’a dit :
— « Tranquille, en vrai j’suis giga posé,
mais faut pas qu’j’me prenne une sauce. »
J’ai hoché la tête, l’air expert,
mais j’ai googlé en douce.

« Être une sauce »,
ce n’est pas être une vinaigrette.
C’est se faire griller comme une allumette
par un prof, une meuf, un daron vénère.
Je prends des notes comme un vieux grimoire,
le dictionnaire de leur nouveau territoire.

Y’a plus de chagrin, y’a du seum,
les jours n’sont plus tristes, ils sont éclatés au sol.
On est plus beau, on est fraîche, on est clean,
mais parfois la vie, elle ghoste.

Ils mettent des « wesh » entre les silences,
des « jpp » à la place des larmes,
et quand ils aiment, ils disent :
— « Lui ? c’est un réel. »

Moi je traduis tout ça en vers,
comme un vieux poète infiltré,
essayant de comprendre leur colère
dans leurs stories mal orthographiées.

Mais quelque part,
entre un « tkt » et un « force à toi »,
j’entends battre le même cœur que moi. 

Texte n°14 – Nos mots sont des braises 

Ils disent qu’on parle trop vite, qu’on mâche les syllabes,
Que nos phrases s’effondrent comme des châteaux de sable,
Mais ils ne savent pas…
Nos mots sont des braises sous les cendres,
Prêts à éclater en flammes,
À brûler les murs qui enferment nos voix,
À graver notre rage sur le ciel noir.

Chaque message, chaque phrase qu’on jette au vent,
C’est un cri en silence, un espoir suspendu,
C’est la rage de vivre, l’urgence d’exister,
Car si on ne parle pas, qui nous écoutera ?

On écrit sur les murs, sur les écrans, sur les âmes,
On tisse nos rêves en pixels et en larmes,
On transforme les insultes en refrains,
On remixe la douleur en éclats de lumière,
Nos phrases claquent comme des balles,
Elles déchirent l’oubli, elles refusent l’effacement.

Regarde, notre langage danse dans la nuit,
Il brille entre les lignes d’un chat effacé,
Il résonne dans les rires, dans les pleurs étouffés,
Il est là, brut, beau, indomptable,
Comme un feu qu’on croyait mort,
Comme une étoile qu’on refuse d’éteindre.

Ils veulent nous enfermer dans des cases,
Nous dicter comment parler, quoi dire, quoi taire,
Mais chaque LOL, chaque punchline,
C’est une rébellion à ciel ouvert,
C’est un cri gravé dans l’asphalte,
C’est la preuve qu’on existe, qu’on est là.

Alors on parle, on ose, on crie nos vérités,
Parfois avec des fautes, parfois sans virgules,
Mais toujours avec le cœur,
Toujours avec l’envie d’être compris.

Et s’il faut pleurer, qu’on pleure fort,
Que nos mots deviennent pluie,
Que nos phrases inondent les rues,
Que personne ne puisse les ignorer,
Que chaque syllabe soit un frisson,
Que chaque vers soit un battement de cœur.

Parce que nous sommes là,
Parce que nous existons à travers ce langage,
Parce que chaque idiome que l’on crée
Est un bout d’éternité,
Un incendie qu’aucune censure ne pourra éteindre.

Nous ne parlons pas pour qu’on nous comprenne.
Nous parlons pour exister. 

Texte n°15 – Les drama queen 

La langue Française m’est souvent associé, peut-être en raison de ma manie de corriger les erreurs de mes amis ou tout simplement ma nationalité semi européenne, mais je ne suis pas d’accord avec eux. La langue est un moyen de communication pas un privilège donné uniquement aux non-dyslexique. Cette langue elle évolue, certains conservateurs trouverons ses nouveaux terme grotesques ou anodins, mais honnêtement, je pense que ce sont des Drama Queen. Et non ça ne me fera pas peur d’utiliser un peu d’anglais parce que comme toutes les autres langues qu’on utilise, la langue Française est vivante. D’autre penserons qu’il s’agit uniquement d’un manque de vocabulaire, un mot placé dans la phrase pour remplacer celui oublié. Je n’aurais pas de problème à utiliser de nouvelles expressions entre mes amis même si je me gênerais de le faire devant mon employeur. En effet, c’est plus distingué de parler comme un noble plutôt qu’un gros cave. Mais selon moi ce n’est pas les « wesh » qui réduisent le vocabulaire, c’est notre absence de lecture et le ridicule de paraître vieux. Parce que si vous insistez, je pourrais vous écrire en vieux Français mais est-ce que vous comprendriez? À quoi ça servirait de connaitre sa langue par cœur si on en utilise qu’un quart? Après tout, la vie ne serait pas plus simple si tout le monde parlait la même langue, utilisait les mêmes termes? Mais ce n’est pas le cas pour l’instant. Non en revanche je lis, je découvre et j’apprends. En revanche on se moque de moi, on m’insulte et m’offense. En revanche mon professeur d’histoire se sent obligé de dire « le mot en N » plutôt que « nègre ». Mais le problème ce n’est pas la langue…c’est la façon dont on l’utilise… 

Texte n°16 – Langage flottant de D’jeuns 

Rien ne sert de jacter en registre soutenu pour se faire comprendre
La langue française est blindée de verlan et néologismes à s’y étendre,
Mec, keuf, thune ou clope, c’est plus sympa de dealer avec ces repères;
Boycottons l’exclusivité du classicisme de ces boomers trop vénères.

Molière, j’en sais des caisses sur ses proses et expressions volubiles
Loin de trop l’encenser, j’applaudis son théâtre tarpin trop sublime;
Au comble de vers mornes sous ses humeurs de misanthrope qui déprime;
Aucune trêve pour nos sens repus de tragédies intimistes trop subtiles.

Ce qui m’fait kiffer sont nos façons chanmé de dire nos émois
Une perspective v’la attrayante de paraître autant perché que courtois;
Je refuse néanmoins la vulgarité des discours délinquants bardés d’injures,
Sans renier mon argot affriolant de d’jeuns au taquet de nuances sur mesure.

Poivrot ou arsouille c’est le même bougre alcoolique des bistrots
Nul besoin de s’enraciner dans un dialecte ancien pour s’éviter penaud;
 »Dépouiller » c’est prendre sans consentement un bien mal acquis de l’autre,
Autant que chourave c’est la même action vile dans laquelle les fumiers se vautrent.

Démagogie et  »nous la mettre profond dans l’arrière » subtilement se télescopent
C’est mieux de dénoncer en prisme familier les véreux de nos institutions en syncope,
Fini ces  »couilles » dans leurs façons élégantes de bien nous entuber,
On propose un idiome de d’jeuns accessible et des voix simplistes de jaser. 

Texte n°17 – Solide sur les appuis 

Toi t’es là / toujours solide sur les appuis
même quand je suis en PLS
Tu sais comment me relever
sans que j’aie besoin de dire un mot

Tu prends soin de moi sans bruit
discret / pudique / toujours carré
Tu captes mes silences / mes humeurs / mon mood
même quand j’ai la haine / même quand je suis dead / en mode down

Quand mon flow est éclaté
qu’il reste que des mauvais délires
quand j’ai le seum / que la journée part en vrille
tu arrives toujours à upgrader l’ambiance
à faire que ça passe crème

T’es bg / pas juste dans ton style / mais aussi dans ta vibe
Tu slay sans forcer / juste en étant toi / sans galère
T’as glow up / pas que physiquement
c’est aussi ton aura / ton énergie
celle qui me fait croire que je peux aussi level up / me mettre bien
rise and shine autant que ce que tu m’inspires

T’es là même quand ça dérape
même quand c’est la galère
Tu gères / tu captes tout / tu lâches rien / tu restes vrai

Je suis dead / en gros kiff
parce que t’es ma base / mon pilier
T’es le sang / mon gars sûr / mon soutien béton
celui qui fait le move qui sauve / ma safe place quand je suis dans le dur

Tu m’as jamais ghosté
jamais lâché un vu
T’es resté / même les jours bien dark
même quand j’ai badé

No cap / t’es ce que j’ai de plus vrai
Avec toi / je sais que je serai chaud pour tout affronter / tout traverser

Et même si je suis pas toujours douée pour le dire cash
sache que je suis vraiment in love
T’es mon équilibre / ma chill zone

Alors big up
merci d’être cash / merci d’être clean / merci d’être juste toi
Merci de faire que tout soit un peu plus simple / un peu plus doux 

Texte n°18 – Yo 

Yo

C’est grave vrai

On parle comme on vit

En glitchs, émojis

Et c’est deep, mec, tu sais



Les darons captent pas

Quand je dis que j’suis dead

(Dead in love, mec, tu sais)

C’est stylé, c’est sérieux



Dans l’instant

L’instant compte


mdr

J’ai pas ri

J’suis pas mort

Tu m’les brises



Nos délires ont perdu

Leur grammaire, leur syntaxe

Mais osef, c’est du rythme,

C’est de la trap en syllabes



On like

On share

On spamme

Truc de ouf



Je flex et je ghoste

Follow-moi ou tu fade 

Texte n°19 – Tressé au temps 

Un fil se tend, sans stress
Parfois las, toujours là

Jeune depuis X années
Infime vertige

Langue éclatée
Bouche cousue à vif

Je frissonne
Un flow crispé

Hier surgit
Écho furtif

Les ombres filent
Partent en vrille

L’envie d’être
Envie de dire

Monde speed, monde fake
Crash, crush, cringe… Fuck !

La fermer ? Vieillir ? Jamais !
For ever young, brut, sans fin 

Texte n°20 – Vie scrawlée 

Je suis passion,
Je suis colère,
Je suis lumière,
Je suis audace
Et prise de risque

Gamin d’un quartier populaire,
Enfant de la balle,
J’ai la vigueur animale
D’un fauve civilisé,
Je suis né dans une cage
Aux barreaux teintés d’acier

Ici c’est la hess !
Moi j’ai le seum
Car tous mes potos
Sont partis à Saint Malo.
Alors en mytho, j’ai dit :
« Je roule jusqu’à Sao Paulo »

Il me reste la lueur des mots
Et la rage dans le stylo
Pour dessiner mes rêves d’ado
Et voyager sous mes pinceaux,
Je joue les bolos
Et je danse en solo

C’est chelou : de base,
Je m’prends pour Jacks Barrow
Mais wesh, regardez-moi
En mode Caliméro !
Je suis vénère, frère
Car la meuf que je mate
Est en crush sur un keum
Couillon comme un balai,
Pourtant grave stylé

Ma prose galère,
J’suis plus dans l’mood…
T’inquiète !
J’écrirai des pages entachées
Comme un marin navigue à nez
Sur une mer déchaînée
Sans boussole ni ciel étoilé
Je tracerai la route de mes idées
Pour balancer des uppercuts
Sur tous les préjugés !


Texte de calibrage par La Rathure – Langue-Oiseau

Ma langue est un oiseau,
Couvert de coquilles,
Qui niche dans les proseaux,
Bois de l’hettres pour brindilles,
Un peu de paille et des épis,
Parfois trouvés dans la corbeille,
Elle piaille, elle pépie,
Elle fait ses bails aux corneilles,

Ma langue est un oiseau,
Mi-gratteur, plein d’emprunt,
Qui du bec au naseau,
Inspire chaque embrun,
Elle se gausse d’un premier geai,
Elle enfante des cygnes,
Nature complément d’objets
Que l’on oublie dans les consignes,

Ma langue est l’oisillon,
Autant que la tête de piaf,
Sous les murmures d’Ilion,
Comme sur ceux couverts de graffs’,
Elle est basse-cour et haute volée,
Encrée ou plume doigt,
Elle est discours, points smiley,
Intersection et patte-d’oie

Ma langue est un oiseau,
Aile vole, aile évolue,
Loin des cages d’un zoo,
Loin du palais qui l’a reclus,
Elle est mienne, elle est votre,
Elle est reine, elle est faute,
Elle étrenne, elle conforte,
Elle essaime, elle est hôte,

Ma langue est un oiseau,
Parfois elle se pose ailleurs,
Ma langue est un oiseau,
Un oiseau, pour le meilleur.


Soutenez les Égoèmes sur TIPEEE grâce au don mensuel pour permettre de développer cette rencontre poétique : mise en place d’un prix des tipeurs, d’un prix du public et de bien d’autres choses…

Merci à BB2, Idéesdodues, Nicole, Thomas Deseur et un anonyme de m’y soutenir !

Laisse un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Prochain texte :

0 %