Il est venu le moment de lancer la 28ᵉ édition des Egoèmes !
Et le thème de ce mois de juillet c’est “L’étoile de jute”.
Et si l’on se faisait rencontrer ombre et lumière ? Et si l’on faisait briller ce que nous reléguons habituellement à l’obscurité ? Et si nous fabriquions du beau à partir du banal ?
Le thème est laissé à la libre interprétation des participant·es

Comment participer ?
Les participant·es ont une semaine pour envoyer leur création.
Date limite : jeudi 10 juillet 2025 à midi
Adresse d’envoi : egoemes @ larathure.fr (sans espaces)
Conditions de participation : suivre les comptes Instagram @larathure et @lesegoemes .
Comme à chaque édition, un texte de calibrage sera partagé pour aider le jury dans son évaluation.
Le jury de cette édition
Les jurys de cette édition sont les lauréat·es de la précédente édition :
Retrouvez leur présentation et toutes les actualités du concours sur la page @lesegoemes.
Créons des étoiles d’or dur !
Texte n°1 – La belle étoile
J’ai pris le sac rêche, humble haillon,
Pour y coudre la nuit et son frisson.
Je l’ai tendu comme un ciel blessé,
Cherchant la lumière à y tresser.
Il râpe la paume, il dévore le sang,
Comme nos vérités qu’on tait trop souvent.
J’ai planté mes peurs en filigrane,
Pour en faire des fleurs de liane.
Brûle, sac de jute, deviens constellé,
Offre tes cendres à l’obscurité.
Je veux une étoile qui ne brille pas,
Mais qui saigne, qui pleure, qui sait pourquoi.
Qu’elle soit tissée de nos fautes banales,
Qu’elle hurle au vent son verbe brutal.
Éclairer le laid pour le rendre beau,
Donner un sens même à l’absurde mot.
Car vivre c’est rire au bord du néant,
Cueillir dans la nuit l’or des perdants.
Alors j’ouvre le sac, j’en fais un tombeau,
Pour nos illusions, nos vœux, nos fardeaux.
Et dans ce tombeau fleurit une flamme,
Une étoile de jute, rude et infâme.
Pas une étoile pour guider nos pas,
Mais pour nous rappeler qu’on ne sait pas.
Texte n°2 – Chaque vie est un univers
Tu es libre de faire le mur
Entre un passé et un futur
Au coeur des instants
Dans les désordres de la danse
Tu auras toujours de la chance
D’être né vivant
A chaque nuit de papillon
Tu réciteras les prénoms
Des vieux survivants
Dans les reflets de ta pénombre
Tu trouveras la lumière sombre
Dans le ciel sans vent
Mais toi aussi tu vas grandir
Au coeur d’un monde en devenir
Entre rien et tant
A la lueur d’un crépuscule
On accélère la pendule
De nos océans
Chaque vie est un univers
Entre un endroit et un envers
Au pied du volcan
Dans le silence de la chute
Tu suivras ton étoile de jute
Entre noir et blanc.
Texte n°3 – Trame de poussières d’étoiles
Tissés un à un dans le bon sens du fil,
Des destins se croisent,
Une seule ou plusieurs fois,
Ils s’observent indifféremment en continuant leur chemin,
Parmi eux, un destin brille de son fil singulièrement doré,
Il scintille et traverse la trame de tissus telle une poussière d’étoile,
Puis reprend sa place entre les autres destins,
Par son scintillement,
Il pourrait donner espoir de plus de destins colorés,
À ceux voués à rester ternes jusqu’à la fin de la trame,
Malgré leurs infimes poussières lumineuses enfouies aux fins détails de leur fil,
Torsadés entre eux,
Dans d’étroits paysages de fils aux couleurs monotones,
Ils s’observent indifféremment en continuant leur chemin.
Texte n°4 – Demain
Miséreux, dans ta cahute,
Tu dors sur un sac de jute,
Mais chaque nuit que fait Dieu,
Une étoile dans les yeux,
Tu t’en vas vers un ailleurs,
Tu rêves de jours meilleurs !
Texte n°5 – Mascaralbol
Si la beauté intérieure compte autant,
Pourquoi ne me trouves-tu jolie
Qu’avec des talons de douze, du rouge à lèvres,
Et un décolleté plongeant ?
Bah oui, j’ai changé, je fais ma star,
Quelques accessoires super superficiels.
Coiffée, maquillée, je sors le soir
Pour me sentir libre, confiante, et belle.
Soudain, de l’attention humaine parsème mon chemin :
Regards lubriques, moqueurs ou jaloux.
Miss, je ne veux pas te voler ton copain,
Mister, tes commentaires, je m’en fous!
Alors, n’essaie pas de me troubler ma paix
Quand je ne marche pas dans les clous,
Ou, à la Cyrano, je m’offusquerai :
« Non mais zut ! J’ai encore le droit de raccourcir mon fut’
Sans causer tout ce tumulte !
Faut-il que je m’enveloppe d’un sac en toile de jute
Pour ne pas me faire traiter de pute ? »
Texte n°6 – Une Étoile Banale
Il n’y a qu’une étoile à laquelle le jour
N’ôterait sa lumière et qui siège toujours
Aux côtés du soleil sans jamais s’affaiblir,
Que même les nuages ne sauraient couvrir.
C’est l’étoile des fous qui la pointent du doigt,
Celle des pauvres gens qui n’ont pas même un toit ;
C’est l’étoile qui règne sur les jours de pluie
Qui préside à ce que bien vite l’on oublie.
Déesse du détail et de l’inaperçu,
Elle aurait pu s’éteindre alors qui l’aurait su ?
Si ce n’est l’curieux qui aurait vu sa chute
– Son feu brûle si peu qu’on la croirait en jute.
Et pourtant, notre vie n’aurait pas de saveur
Sans les milliers d’ennuis qui font à la faveur
Tout son sel et sa joie et puis sa poésie,
Cette rare beauté qui fait qu’on la saisit.
De la brise légère aux replis d’un sourire,
La longueur de l’histoire avant un vrai fou-rire,
On le doit à cet astre invisible et banal
Qui de l’inimportant est le plus grand fanal.
Texte n°7 – Lueur tissée
Je tisse la nuit de mes doigts bruts,
Sous la lampe pâle, l’ombre s’étire,
Étoile de jute, fil rêche et doux,
Tu brilles sans éclat, mais tu respires.
À l’intérieur du grenier de mon enfance,
Une étoile pendait, humble et fière,
Pas d’or, ni de cristal, juste l’espérance
Tressée dans la fibre, tissée par ma mère.
Je la touche encore, cette étoile rugueuse,
Elle gratte la paume, mais réchauffe le cœur,
Elle sent la pluie, la terre, la vie précieuse,
Et les secrets murmurés à l’heure du malheur.
Étoile de jute, tu n’as pas peur de l’usure,
Tu portes mes rêves dans tes nœuds imparfaits,
Je te suspends à la fenêtre, fragile armure,
Pour que la lumière, même pâle, ne s’éteigne jamais.
Quand tout vacille, je serre ton étoile,
Elle me rappelle que la beauté se cache
Dans la simplicité d’un geste, d’un fil loyal,
Et qu’au creux de la nuit, même la jute s’attache.
Texte n°8 – Vient la nuit, sonne l’heure
Des astres scintillants qui tapissent le ciel infini
De leur éclat vespéral qui illuminent son monde,
Une petite fille prostrée dans un lit d’hôpital, avachie
S’imprègne de photons d’étoiles par les volets, qui l’inondent.
Nul personne pour galvauder ce précieux instant
Car tout est idyllique en son âme obsolescent,
Cette nuit paisible ne pourra exacerber sa douleur,
Dans cette croisade dure contre un cancer de vive ampleur.
Elle admire les constellations comme substrat de sa survie
À revers des pronostics sévères qui lui réservent une fin impérieuse,
Elle veut rompre le joug fatidique de clamser jeune et malheureuse,
Et détrôner la certitude universelle pour ce diagnostic pressenti.
Avec du baume au coeur pour palier son défaitisme cinglant
Elle croit en une lumière au bout du tunnel de ce périple éreintant,
Dans les affres de ses troubles dès que vient la nuit, sonne l’heure
Elle lutte afin que ses couleurs renaissent et que son corps ne meure.
Demain dès l’aube, à la faveur d’un regain de santé inédit
Elle se blottira dans le confort subtil de ses efforts prédits,
Une foi en sa guérison aura supplanté le sort létal de son piteux destin,
Car vient la nuit sonne l’heure, mais ressurgit la lueur de son cœur éteint.
Texte n°9 – Mouche Bleue
Quel habile démiurge a conçu ce diptère
Qui tel un ange déchu erre en solitaire
Et vrombit en disgrâce en chasse de morte chair ?
Mouche bleue, mouche verte, mouche de misère
Les humains de la terre te chassent et te haïssent
Ta vision les répugne, ô toi fille de Nyx !
Mouche bleue, mouche verte, pourquoi ne peux-tu plaire ?
Serait-ce ton attrait pour le rite funéraire ?
Tu inspires, malheureuse, un imminent dégoût
A ceux qui te supposent habiter les égouts
Quand tu joues l’importune dans leur belle maison
Pour eux ton dos velu t’apparente au démon !
A hauts cris ils s’indignent de ton caractère
De bête nécrophage nuisible et délétère
Car tu te délectes et dissous de salive
Toute peau de ce monde qui cessa d’être vive
Thanatos ailée odieuse aux mortels
Ils te craignent et t’appellent la reine des poubelles
Mouche bleue… n’as-tu pas tout pour plaire pourtant ?
Que les humains ouvrent leurs petits yeux bien grand !
Qu’ils applaudissent ta danse gracieuse dans la lumière
Quand tu virevoltes dans une folle vrille
Dans l’aire infinie et limpide de l’éther
Ta robe bleu métal miroite et scintille
Tes yeux vermillon aux mille et une facettes
– Plutôt plus, à la louche, parole de mouche !
Sont autant de miroirs tout autour de ta tête
Et tu vois ma tête dans une mosaïque
Et tu vois mes yeux qui te voient, c’est magique !
Et tu vois tes pattes que tu te nettoies
Et tu vois partout, partout même derrière toi !
De ver translucide, devenue demoiselle
Te poussèrent deux paires de frêles et fortes ailes
Métamorphose complète, miracle de la nature
Des insectes bipennes la mésestimée reine
Qui ôte à la terre ses déchets, ses ordures
Mouche bleue, mouche verte, mouche magicienne !
Texte n°10 – Trame sidérée
Elle est tombée d’un ciel de chanvre,
rugueuse, filandreuse,
pelote stellaire
où l’ombre s’emmêle
où l’aube s’effiloche
comme une promesse.
Son éclat est pauvre et chaud,
Comme la poussière des entrepôts,
Comme l’odeur des sacs à grain
Dans les paumes des portefaix.
Dans sa lumière,
on entend crisser la voix des cordages,
Et soupirer les toiles usées
qui claquent sur des mâts blessés.
L’étoile de jute,
ne tranche pas la nuit —
elle la tamise,
comme on tamise le vent
dans la trame d’une voile,
pour que rien ne s’effondre,
pas même la douceur bancale
d’un rêve brodé sur des ballots d’épices.
Sous son éclat d’étoupe,
les songes reprisent les trous,
et les chagrins s’entortillent,
et la houle oublie un instant
de gronder.
Texte n°11 – La petite étoile
L’univers veille, lointain et muet,
Mais cache en son sein un recoin discret,
Un lieu sans voix, sans échos, sans clarté,
Où seuls les cœurs brisés vont s’abriter.
Et dans ce vide où l’espoir se déchire,
Une étoile naît, tremblante, en plein martyre.
Son éclat rugueux, tissé de douleur,
Résiste au gouffre, tisse sa lueur.
Elle n’est ni stable, ni étincelante,
Mais son fil de jute émeut les âmes vacillantes.
Ceux qu’on oublie, laissés dans l’attente,
La suivent, guidés par sa force battante.
Texte n°12 – Juste une étoile
C’était juste une étoile
Comme en dessinent les enfants
Jaune et faite de toile
Et cousue sur les vêtements
Et cette étoile était
Comme une cible sur les corps
Qui tous les condamnait
À la souffrance ou à la mort
Texte n°13 – Mon étoile
Tu es mon étoile de jute
Tu es la lumière qui me percute
Dans une chambre vide et sombre
Je t’embrasse dans la pénombre
Tu es mon grand amour impossible
Le monde des étoiles… c’est incompréhensible!
Je ne peux pas te rejoindre dans le ciel
C’est une triste vérité universelle
J’aime ton âme splendide et étincelante
Tu es une personne vraiment brillante
Moi, je suis une femme qui vit sur la terre
Mon destin, c’est de vivre solitaire
Texte n°14 – Écho d’étoiles mornes
Voici qu’en ce dehors macabre pleuvent des bombes sur des innocents
Preuve de la folie humaine encastrée dans son orgueil indécent;
Voici qu’en ces lieux d’affrontements provoqués en cadence
Où l’égo mégalomane du géant impulsif domine et avilit,
La sombre répercussion afflige les plus démunis sans nuances,
Et l’expérience de l’épouvante les figeant jusqu’à la cataplexie.
Triste guerre qui conspire à chaud contre l’existence
De ceux qui vivent en chaîne l’horreur sans armistice,
Des villes incendiées sous les phares de la violence,
Reflètent un ciel abîmé aux portes d’une guerre de malices.
De ces yeux rivés vers l’horizon nocturne où se profile des destins fragiles
Le firmament est un refuge lointain où l’éclat des étoiles font défaut,
Une constellation voilée offre un lendemain où se meurt tout renouveau,
Et les êtres ébranlés craignent une escalade du conflit sans réel mobile.
Une famine dressée au seuil de leurs estomacs pris en étau
Ne présage nul secours pour ces êtres décimés au nom d’épuration égoïste;
Le désespoir a gravi le sommet de leur ultime feu intérieur au galop,
Et s’estompe l’ardeur de brader les assauts des soldats de cette nation arriviste.
Lorsque se tissent les fils tragiques de nos vies décousues
Le charme patibulaire sur nos visages devient une effigie qui écorne,
Quand reverra-t-on les beaux jours sereins et une franche issue ?
Dans ces parterres où résonnent l’écho obscur de nos étoiles mornes.
Texte n°15 – Ōnamazu
Je voyage toujours en rêve, un baladin épuisé qui songe sans s’éveiller. Un danseur itinérant, un voyageur dense sans itinéraire, emprisonné dans une caravane imaginaire. Un placard, un portail, et je vacille, un visage différent dans un monde en mouvement. Au loin, j’entends une musique énigmatique ; plus je m’en approche, plus je distingue un saxophone et une contrebasse qui déchaînent un free jazz dans un monde improvisé. Le ciel orangé semble m’appeler ; je monte par l’échelle en calacatta oro plantée au milieu du lac où l’eau diaphane laisse entrevoir l’ōnamazu, gardien des lieux. Comme tous les poissons-chats, il aime la musique. Je monte, je tombe, je nage et je danse. Le mouvement est bénéfique malgré les sables mouvants. Ici, les arbres nus gardent leurs fruits : sucrés face à la brise, amers face à la mer. L’écume aux lèvres, je craque et je croque une poire « Belle-Hélène ». Cascade de saveurs sagement orchestrée par un savant qui s’agace.
Il est un guide, mon égérie, aucun mot, seul le doigt pointé, tournant inlassablement sur lui-même.
J’hésite, la peur m’envahit, je prends la décision de marcher sur la route qui s’ouvre à moi. Elle est pavée de bonnes intentions et les réverbères allumés, malgré la lumière, me donnent l’illusion d’avancer.
Le temps passé sur le chemin qui ne mène nulle part n’existe pas, ne comptent que mes pas, mais au loin j’aperçois un mur dont l’écho du murmure le rend infranchissable. Je le sais, je le sens ; soudain, le mur se referme sur moi et m’écrase comme un insecte infect infecté par le songe. Je tombe au milieu du lac, sur le dos de l’ōnamazu qui n’a pas l’air surpris de me revoir.
Texte n°16 – Un peu de moi pour toi
Je te cherche constamment,
pourtant, j’ai peur de te retrouver devant moi.
Peur que ce « moi » ne te convienne pas, à toi.
J’attends d’être validé par toi,
par peur d’être moi.
Pourtant, je m’aime bien, moi…
Enfin, je crois.
Pas en moi,
mais surtout en toi.
Je ne suis plus moi-même, auprès de toi,
tiraillé entre toi et moi.
Faut-il chercher en toi cette part de moi
que j’aime tant, chez toi ?
Je t’en prie : reste toi,
pour que moi, je sois fier d’être un peu toi,
au fond de moi.
Texte n°17 – Volute de jute
Chaleur étouffante de l’été,
Canicule ardente, éprouvée,
Soleil aveuglant, rayons déployés,
L’inspiration, pourtant, se fait désirer.
Dans l’obscurité insondable de la nuit,
Une idée se présente à minuit,
Une étoile filante, sans bruit,
Illumine l’amertume de l’ennui.
L’étoile de jute, effleurant l’infini,
La toile d’une lutte, peinture prédéfinie,
Le voile hirsute, volute indéfinie,
Dévoile son but, en un temps défini.
La créativité, lumière dans l’ombre,
Fait briller des paroles qui encombrent,
Le jute est une simple plante,
Sa fibre, une toile isolante.
Alors quand le soleil se lèvera,
Et que l’humanité se relèvera,
On se rappellera chaque seconde,
Qu’il y a du beau en ce monde.
Texte n°18 – Tisé dans l’étoile
Dans la besace du temps, dans le sac des lueurs, fébrile mais en pleine mue, elle se révèle.
Fallait-il qu’elle crie de toute son étincelle pour sublimer la nuit.
Face au silence hystérique que la cape des ombres impose, elle tente une éclosion pour l’espoir.
Et dans l’énergie de son passé, la magie de sa vie nous donne le regard d’un hasard attachant.
Texte n°19 – L’étoile de jute
Dans l’ombre des cieux bas où l’espoir se déchire,
Un dieu borgne tissa, d’un vieux sac de poussière,
Un astre sans éclat, pauvre enfant du martyre,
Né d’un fil de misère et d’un nœud de lumière.
Ce n’est pas l’or du ciel qu’elle verse en silence,
Ni la braise d’un feu qui consume les rois,
Mais le râle d’un monde en quête de balance,
Un frisson d’humanité cousu par mille doigts.
Elle flotte, immobile, au sommet des paupières
Des vivants éreintés, courbés sous leur fardeau,
Elle est l’œil de l’oubli, la prière des pierres,
Le fanal de guenille au sommet d’un tombeau.
Quand l’étoile du Nord rit aux songes des princes,
Elle, l’étoile de jute, ignore les festins ;
Elle traîne en haillons sur les astres immenses,
Et murmure aux damnés qu’ils ne prient pas en vain.
Son éclat est rugueux, sa lumière est humaine,
Elle ne guide pas les conquêtes des forts,
Mais veille sur l’enfant qu’on oublie dans la peine,
Sur l’ivrogne endormi, sur le râle des morts.
Car Dieu, s’il existe, n’est pas fait de porphyre,
Mais de jute et de larmes, d’ombre et de charbon,
Il allume des cieux qu’aucun roi ne désire,
Avec les vieux tissus du cœur en abandon.
Ô toi, l’étoile basse au halo de poussière,
Qui n’as ni nom, ni trône, ni céleste palais,
Tu es l’âme des gueux, la chandelle des pierres,
Et ton feu d’injustice éclaire les vrais.
Texte n°20 – Je tiens
Je ne brille pas.
Je tiens.
Nouée à l’ombre des ciels,
à la marge des regards,
je suis la couture oubliée
d’une toile trop rêche pour plaire.
Je suis née sans éclat,
dans un silence qu’on décore de faux soleils.
J’ai poussé là,
entre deux vents,
avec la rugosité des choses qu’on ne choisit pas.
Ma lumière râpe.
Ma voix, parfois, s’effiloche.
Mais je suis encore là,
à la pointe du doute,
à la lisière des grandes lumières
que je n’ai jamais apprises.
Je porte les battements lents
de ce qu’on n’ose pas dire.
Je suis l’étoile qu’on ne montre pas,
mais qui reste —
fidèle,
incassable,
quand tout s’effondre.
Je suis l’étoile de jute.
Et ce n’est pas rien
d’exister sans éclat,
et pourtant de tenir
un peu du ciel
entre mes fils.
Texte n°21 – Arborescences spatiales
Dans la toile de jute il y a des racines qui sont celles d’un astre appelé Perovskia, dont je faisais des mottes à 9h du matin dans un champ labouré par un vent de Touraine et j’enveloppais les racines dans l’étoile, de sorte que l’espace entre moi et la terre ne fût qu’un jour de plus à estimer le ciel, et j’étais 100% à mes estimations : il faudrait encore environ 21 pieds pour qu’on puisse envoyer des sauges dans l’espace
Texte n°22 – Super Nova
Cette nuit, j’ai rêvé
D’une étoile de jute
Qui dérivait
En parachute
Dans les cieux bleus
Du fond de l’océan,
Elle était à la fois
Géante rouge et naine blanche,
Nébuleuse neige pervenche
Dans mes yeux filandreux.
J’ai laissé couler
La rosée salée
De ma voie lactée,
Puis ses bras dentelés
Se sont refermés
Sur mon petit cœur défait,
Et comme un radar
Ils ont perçu le quasar
De mon âme en idées noires
Égaré dans le blizzard
Mais cette nuit j’ai rêvé
De cette étoile de jute,
Un pentagramme en uppercut
Filant sur ma rechute
Telle une lumière
Sur mon regard austère.
Il a réchauffé mon corps polaire
Gelé comme une pierre ;
J’ai l’amour amer
En mille éclats de verre
Cette étoile de jute,
Douce et si robuste,
Ont tissé des liens nacrés.
C’est un ange dans la vallée
Sur ma vie touchée coulée,
Qui a tissé de bariolé
Une corde ancrée
Dans du liquide bleuté,
Pour panser mes plaies
De mots d’amitiés
Au parfum de l’été
Texte n°23 – Des différents usages de la jute
Il y a les adorateurs de la mode, stylistes et précieux
Il y a les fanatiques de l’astrologie, naïfs et pieux
À mi-chemin, entre champs de coton et constellations
Les autres, qui ne connaissent ni la toile, ni les étoiles,
Et qui préfèrent les plages ensoleillées du Cap d’Agde,
Où la jute, bien présente, remplace l’indice 50…
Texte n°24 – l’étoile de jute
Au fond d’un vieux grenier, dans l’ombre et le silence,
Dormait un sac froissé, témoin de bien des jours.
Son étoile cousue, sans éclat ni discours,
Brillait d’un feu discret, tissé dans la patience.
Elle avait traversé la mer et la souffrance,
Porté des fruits, des rêves, des rires et des tours.
Son fil sentait le pain, la pluie, le long séjour
Des vies simples et fortes, aux gestes pleins de sens.
Ce n’était pas de l’or, ni même un talisman,
Mais une étoile vraie, faite de cœur humain.
Pas belle à première vue, mais belle dans l’histoire.
Je l’ai gardée pour moi, comme on garde un secret,
Elle éclaire mes pas d’un espoir discret :
Une étoile de jute, humble mais pleine de gloire.
Texte n°25 – Confession d’un sage
J’ai une couronne de bois, de toc, de plume.
De maitresse ou de femme je n’en ai pas une.
Deux ? Ah non ! Je préfère les plaisirs fugaces
Du vent entre mes doigts, du soleil sur ma face.
Ma cour ? Elle est partie. Ayant trouvé mes malles
Vides, me pensa fou de voir dans le détail
Ma richesse véritable. J’ai un palais,
Beau – un pléonasme – où courent se réfugier
Dans une petite glotte au fond les rongeurs
Que la calvitie guette. Je suis empereur,
Encore, d’une poignée de soldat de plomb,
Une armée d’allumettes fidèles à mon nom
Prête à ouvrir le feu. Ah ! Que j’aime mes terres,
Ma lune de fromage, mes nuages de pierre,
Mes étoiles de jute ! Quoi ? J’ai l’air un peu
Malade vous dites ? Et si j’étais un dieu ?
Texte n°26 – L’astre des sens
Dans la torpeur quotidienne,
Les esprits sont bien trop embrouillés
Tout ce qui les entoure,
Toutes ces formes qui n’existent plus
Dû à une attention trop captivée
Sont pourtant des sources d’émotions
Des appuis sur laquelle se reposer
Dans les moments de doute
Les périodes où il est difficile de garder le moral
L’illusion de la réalité
La perception du verbe,
L’éloquence des songes
Sont modelés par le ressenti du vécu.
L’expérience de la vie.
La fatalité de toute chose sonne comme les abysses.
Cette noirceur qu’il faut fuir par peur
Un inconnu qu’on ne souhaite pas connaître
Qu’on veut enterrer sans même avoir creuser
Oublier sans avoir apprit
Tout est dans la volonté
Mettre un pied dans l’étrier de l’ouverture de son âme
Pénétrer dans le savoir de l’invisible où l’obscure domine
Y voir un nouveau champ des possibles
Un nouveau monde à explorer empli d’abstrait
Au comble de l’étrange, torturé par cette singularité
La vue est bien incapable de faire le point
Déchiffrer le Mal quand il n’est que fantasme
Quand le cœur n’est pas en phase avec le bien-fondé
Les apparences sont loin d’être ce que l’on voit
Penser avec son cœur
Voir avec ses mains
Sentir avec son esprit
Respirer un moment
S’arrêter un instant
Dans le maelstrom de la folie
Le miroir des rêves devient une nécessité
Le pourrissement de sens est une gageuse pour le bien-être
Une douce mort pour les émotions
La désolante abstraction de l’euphorie
L’émerveillement comme remède
Croire en la beauté est déjà le fruit de la joie
Une naissance pour soulever toutes les turpitudes de l’Humain
Répandre cette vision est un devoir
Egayer ses semblables est un accomplissement
Au climax du pessimise, il faut être un guide
Être la lumière qui résonne dans corps meurtries
Une particule qui ne demande qu’à vibrer
Au son des dissidents de l’obscurantisme.
Texte n°27 – Les mages-mites
L’étoile de jutes a ses rois mages aussi
Longtemps ils ont étudié les astres
Aux traînes stridulantes
Dans les cieux de sisal
Maintenant, à la tête de caravanes citronnées et cironantes
Sillonnant les grands chanvres
Ils dévorent leurs chemins de sable et de manille
En prenant de soin de garder, précieusement,
Au coin de leurs mastications et de leurs mandibules
Un éclat d’abaca, une pépite de kapok, un cristal de kénaf
Qu’ils remettront, à genoux, au roi des rois
Dont le corps est déjà troué au côté
Comme le grand corps déchiqueté de la réalité
Texte n°28 – Deuil étoilé des champs de blé
Dans l’immensité des champs de blé,
Mes yeux s’égarent dans la nuit étoilée.
Je te vois, scintillant parmi elles,
Au sein de l’autre monde tu as trouvé ta place éternelle.
Au milieu des étoiles je te reconnais entre milles,
Dans les constellations tu fais partie de celle du Cygne.
Je saigne de ne plus pouvoir sentir la chaleur de ta peau,
À des années-lumière l’un de l’autre, j’espère que tu me vois de là-haut.
Mon regard ne peut se détacher de toi,
Ta lumière si forte dans laquelle je me noie,
Réveille en moi tous ces souvenirs,
Qui hantent mes songes où je te revois partir.
Tu m’as laissé là, entre la paille et les oies,
Dans cette ferme silencieuse je n’entends plus ta voix.
Tu as pris avec toi un morceau de mon coeur,
Faisant de moi l’esclave d’une vie de lutte et de dur labeur.
Assise au coeur de cette plaine d’épis,
Morceau de jute en mains, aiguille de vie,
Brodant ton âme du ciel,
Ô mon amour, ma veilleuse sentinelle.
Je couds cette étoile sur le tissu,
Pour que la trace de ton passage à jamais continue.
Comme si je reliais de ce fil mon noyau battant,
Du trou noir que tu as provoqué en partant.
Je veux que personne n’oublie l’homme que tu es,
Nouvel astre, puisses-tu reposer en paix.
Je t’aime à travers les cieux,
Attends-moi, pour que l’on puisse briller à deux.
Texte n°29 – L’Étoile Ocre des Justes
Ils cousaient l’étoile au revers du manteau,
Signes d’infamie qu’on gravait dans la peau.
Un siècle plus tard, les bombes sur Gaza
Tissent le deuil au cœur de chaque drap.
À l’enfant brûlé, nul abri, nul salut,
Sous le ciel criant, les silences sont crus.
Le jute rêche n’a pas la grâce du lin,
Il enserre une sanglante étoile sans matin.
On y enferme un peuple, une mémoire,
On y forge un blocus, une dure histoire.
Mais qui regarde dans les ruines le dessin ?
L’étoile change, le tissu, la douleur
Et chaque flamme transforme sa couleur.
Les rôles se brisent, la honte change de corps,
Le bourreau d’hier oublie le poids des morts.
La mémoire chavire entre mille douleurs,
Chaque pleure ravive d’anciennes terreurs.
Où donc naît l’entente quand règnent les erreurs ?
Un enfant repose sous les gravats,
Un anonyme sans drapeau, voilà.
Et l’étoile ? Elle éclate, là-bas.
Elle se défait sous les doigts fatigués,
Pendant que les cendres espèrent la paix.
Et disent encore : Souviens-toi…
Texte de Calibrage par La Rathure – L’étoile de jute
L’étoile de jute s’étiole déjà,
Fil tiré par les comètes traçantes,
Étole de jais, deuil de nos joies,
Extinction des lumières naissantes,
Étoile cousue sur le revers de notre humanité,
L’une, face sombre que l’on éclipse,
Météorites des torts hérités,
Nous rend l’espoir – ellipse,
Drapés dans notre morale en berne,
Voile lacté aux couleurs de nos faux semblants,
Étoffe que l’on veut noble, en fait terne,
La couture se déchire sur les flancs,
Nos aiguilles déboussolées tricotent incertaines,
Des consternations d’étincelles et de leurres,
Pour masquer le trou noir de nos mitaines,
Les mains constellées de nos erreurs,
Dans le ciel d’une humanité assombrie,
Nos horrors boréales scintillent plus encore,
Et si, ici aussi, chaque étoile a son prix,
Combien, encore, faudra-t-il de morts ?
Les yeux clos dans nos orbites de colères,
Aveuglantes au point qu’on refuse de les voir,
Toutes les horreurs qu’on laisse faire,
Est-ce que moi aussi, je le creuse, ce trou noir ?
Dans les volutes du drapé nocturne,
Mes certitudes mises à sac s’étalent,
Qu’elles soient de jute, polaire ou de fortune,
Saurions-nous recoudre nos étoiles.
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