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Sept Euros et Vingt-Huit Centimes

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Nouveau texte écrit pour un concours, dont le thème était « fond de tiroir ». Je vous avais déjà partagé un texte sur le même thème : L’oubliette. Deux approches assez différentes du sujet. Bonne lecture !

Le mobile au-dessus de la porte vitrée retentit d’un scintillement désuet. Les tubes d’acier s’entrechoquèrent pour claironner la venue d’un nouveau client. Joseph se redressa. Il s’était assoupi dans le fauteuil de cuir défoncé qu’il avait installé derrière son comptoir, après l’avoir récupéré parmi les encombrants du voisinage. Il prit le temps de nettoyer ses petites lunettes rondes aux fines branches métalliques. Il se tendit sur la pointe des pieds pour qu’on l’aperçoive un peu plus. Joseph n’était pas grand. L’âge l’avait courbé. Sa lèvre supérieure dépassait seulement du comptoir, recouvert de gadgets et babioles en plastique que les clients trop alcoolisés prenaient plaisir à acheter, si bien que lorsqu’il parlait, on ne voyait que son épaisse moustache s’agiter sur l’étal. Il poussa d’un geste lent le présentoir à chewing-gums fluorescents qui lui masquait la nouvelle venue. La bouche d’un canon de neuf millimètres. Derrière elle, le reste de l’arme et son porteur. Une main gantée de noir – pas des gants de voleur se dit Joseph – un sweat-shirt à capuche gris avec un logo à moitié décoloré et une cagoule de laine sombre – probablement tricotée main. Joseph ne pouvait voir le bas, cependant ce n’était pas le plus préoccupant. D’une voix rauque, la Cagoule lui ordonna de vider la caisse et de mettre l’argent dans un sac de sport qu’elle lui tendait de sa main désarmée. Elle jetait des coups d’œil nerveux vers la vitrine du magasin et la rue, mais les badauds qui passaient étaient trop occupés à zigzaguer, tituber et vociférer des classiques de la variété française pour prendre garde à ce qui était en train de se dérouler dans la petite épicerie de nuit. Il était quatre heures trente-trois du matin, un jeudi de septembre. A cette heure-là, les fêtards venant acheter une flasque d’alcool ou quelques capsules de « protox » – un gaz hilarant – se faisaient rares. Tout au plus, Joseph s’attendait-il à croiser les quelques habitués, travaillant la nuit, passant s’acheter un paquet de pâtes hors de prix et une boite de thon pas moins chère, qu’ils mangeraient en rentrant, épuisés. Il était encore un peu tôt.


Joseph ne prit pas la peine de se saisir du sac en toile. Il tourna une petite clé de métal, tapa trois chiffres sur la caisse et ouvrit le tiroir-caisse. Péniblement, il tourna la machine, quelque peu archaïque, vers la Cagoule. C’était sa première fois. Son premier braquage, à l’arme à feu du moins. Il avait surpris des gamins s’enfuir avec des paquets de chips et des bouteilles d’alcool de piètre qualité. Il avait été témoin de bagarres d’alcooliques en tout genre. Il avait entendu des menaces quand il annonçait le prix des flasques ou des capsules de gaz. Il avait sursauté face aux coups de poings frappant le comptoir et aux couteaux. Jamais il n’avait été en tête-à-tête avec une arme. C’était chose faite. Son frère, propriétaire et gérant du commerce, l’avait prévenu. C’était quelque chose qui arriverait. Ca arrivait, maintenant. Deux ans et quelques mois après que Joseph ait commencé à travailler là, à « La Nuit du Levant ». Son frère lui avait offert le poste après qu’il ait perdu son travail dans un cabinet de comptabilité. À cinquante-trois ans, Joseph n’espérait plus trouver un autre emploi, alors il avait accepté. Dorénavant, il supportait le fait d’être l’employé sous-payé et exploité de son frère. Plus dure encore, il supportait de devoir lui être redevable, malgré tout. Sans cesse, son aîné lui rappelait que, sans sa générosité, il aurait fini à la rue, dans le caniveau, mais qu’il ne le laisserait jamais tomber. Puis, il lui demandait de venir travailler sur son jour de repos. Il lui devait bien ça. Comme chaque semaine, Joseph ne pouvait pas refuser.


La Cagoule lâcha Joseph du regard et examina le tiroir-caisse qu’il lui présentait. Désespérant. Quelques pièces rougeâtres et dorées – certaines étaient des devises étrangères – ne suffisaient pas à cacher la nudité du fond de tiroir. Il n’avait aucun billet pour couvrir, un peu, son intimité. D’un rapide calcul, la Cagoule devina qu’il n’ devait pas y avoir plus de cinq euros. « Sept euros et vingt-huit centimes, précisa Joseph à haute voix, en prenant en compte le taux de change d’hier soir. » Sa moustache, soigneusement peignée, s’agita, comme à chaque fois qu’il parlait chiffres ou qu’il calculait mentalement la monnaie qu’il devait rendre. C’était devenu rare. Joseph proposa qu’elle prenne les quelques pièces dans sa poche et qu’elle fasse meilleur usage de son sac en prenant quelques victuailles, sans ironie aucune. La Cagoule relâcha la tension qui avait maintenu son bras dressé vers Joseph, baissa son arme et laissa s’échapper un long soupir. Pleine de lassitude, elle retira la cagoule dans laquelle elle étouffait, et se laissa tomber sur le comptoir. Joseph découvrit une femme, probablement un peu plus âgée que lui. Elle avait le visage rougi par le port du masque laineux et marqué par le temps. Ses joues creusées, ses yeux enfoncés et cernés, ses lèvres abimées par le froid. Joseph se reconnaissait en elle. Une épaisse tignasse grise et bouclée, décoiffée par la cagoule qu’elle venait de retirer, lui recouvrait le crâne. Joseph se demanda s’il se serait peigné la moustache s’il avait prévu de porter une cagoule.

« Fais chier, putain ! s’écria-t-elle en se redressant énergiquement. »

Elle était assez grande, fine sous ses larges vêtements, tendue. D’un geste nerveux du bras, elle balaya le comptoir, faisant valdinguer les chewing-gums aux emballages bariolés et leurs présentoirs en carton qui dataient d’un autre temps. Elle s’excusa, hésitante. Le fit une deuxième fois, plus assurée. Elle dévisagea Joseph. Elle le toisait de quinze centimètres, ne distinguant que sa tête ronde, cuivrée, tournée – levée, pensa-t-elle – vers elle. Ses traits arrondis étaient soulignés par cette moustache taillée avec application. Quelques cheveux rabattus vers le haut du crâne masquaient une calvitie immanquable, d’autant plus lorsqu’on fait cette taille.


La Cagoule resta interdite. Autour d’elle, la boutique consistait en deux étagères de cinq étages qui courraient le long des murs. En vitrine, quelques siphons à chantilly étaient exposés, prétextes à vendre les capsules de protoxyde d’azote qui rencontraient un si grand succès. Les chewing-gums gisaient sur un carrelage qui avait dû être blanc, quelques années auparavant. Les étals étaient clairsemés ; quelques boites de gâteaux et de confiseries, de nombreux jus de fruits et sodas, quelques produits d’épicerie. Jamais la Cagoule n’avait entendu parler des marques présentes dans les rayonnages. Derrière le comptoir, derrière – au-dessus, se dit-elle – se trouvaient les bouteilles d’alcool. Des flasques en tout genre, de la vodka au gin en passant par le whisky, le rhum, les cocktails tout prêts, patientaient sagement, qu’un nouveau client jette sur elles son dévolue. Il y avait même deux bouteilles de champagne. Les petites capsules de métal, vendues par dizaine dans des pochons plastiques, semblaient être le bien le plus précieux. Il fallait défaire une chaine pour pouvoir les servir. « Sept euros et vingt-huit centimes, répéta-t-elle. » Elle ne savait quoi faire de cette information. Elle n’était pas venue piller plus pauvre qu’elle encore ! Elle s’était imaginée que ce genre d’épicerie de nuit, c’était le bon plan. Peu de passage, des produits chers, elle aurait dû y trouver, au moins, quelques centaines d’euros en liquide. Elle avait erré dans la ville toute la nuit, passant de « night-shop » en « night-shop », une bouteille de Jack à la main pour se donner du courage. Devant la plupart elle avait trouvé deux trois hommes, trop épais ou trop nombreux, qui paraissaient monter la garde, ou passaient la nuit-là, à défaut d’avoir un autre endroit où aller. Elle en vit certains ne pas hésiter à mettre à la porte quelques clients trop alcoolisés. Vigils, videurs ou protecteurs mafieux, elle n’en savait trop rien, mais ça l’avait refroidi dans son entreprise. Puis, elle était passée devant cette petite échoppe, « La Nuit du Levant », vers trois heures du matin. Elle avait planqué un peu plus d’une heure en face, finissant sa bouteille, avant de trouver le courage d’y rentrer.


« Sept euros et vingt-huit centimes… Quel monde de merde ! lâcha-t-elle enfin à destination de Joseph.
— Pardon ?
— Je viens de braquer un mec qui n’a que sept euros et vingt-huit centimes à me refiler, dit-elle dans un rire nerveux.
— Pardon… Je suis désolé, souffla sincèrement Joseph, c’est que de nos jours…
— Enfin, mais non, ne soyez pas désolé ! l’arrêta la Cagoule en riant franchement cette fois. C’est moi qui devrais l’être ! D’ailleurs, non, je ne devrais pas l’être, je le suis, pourtant. Je viens vous braquer, je vous pointe une arme sur le nez, alors que vous êtes dans la même misère que moi. Ni moi, ni vous, ne devrions être désolés, nous devrions être révoltés, rien de plus ! À ce rythme-là, je ne vais même pas rembourser le pistolet. Quel monde de merde ! Je m’appelle Laure, histoire que vous connaissiez le nom de la personne qui est venue gâcher votre nuit, un peu plus encore.
— Joseph, répondit Joseph. Vous savez, vous m’avez surtout réveillé.
— Vous vous rendez compte, Joseph, le coupa-t-elle de nouveau sans plus vraiment l’écouter, comme c’est bien fait toute cette crasse ? J’ai perdu mon travail parce que mes patrons ne respectaient pas, je ne sais quelle norme environnementale. Moi, j’ai perdu mon travail, parce que, naturellement, il a fallu fermer l’usine, et eux ils sont partis je ne sais où avec plusieurs milliers d’euros et un nouveau poste, sans attendre que la justice ne les rattrape. Ils ne sont pas idiots. Moi, je vais perdre ma maison, mes enfants vivent chez leurs grands-parents. Alors j’en arrive là, j’en viens à vous braquer. Voilà une semaine que je n’ose pas franchir le pas. Et je le fais pour sept euros et vingt-six centimes.
– Vingt-huit centimes, précisa Joseph. Mais c’est avant tout que…
– Et comme elle est bien faite leur crasse, continua-t-elle, c’est vous que je viens braquer. On s’entretue entre nous. Ils nous poussent à bout, mais ils n’ont pas besoin de nous abattre, on le fait nous-même. Je tourne ma haine et mon désespoir contre vous au lieu de me retourner contre eux ! Ah, je suis trop lâche, trop stupide, trop attachée au peu que j’ai, trop attachée à ce que je pourrais avoir pour oser le faire ! Alors on se mange les uns les autres, et ils nous regardent ! Ah, ils doivent bien rire de nous voir aussi peu solidaires dans la misère. Quand eux prennent tout, ils nous incitent à avoir peur que d’autres miséreux viennent prendre notre rien, parce que nous n’avons plus que ça. Vous voyez Joseph, je suis désolée, désolée de tout ça, alors que je ne devrais pas. Ce sont eux qui devraient être désolés, mais ils ne le sont pas. Pourquoi est-ce que je viens m’attaquer à un commerçant qui travaille toute la nuit pour sept euros et vingt-huit centimes ? Pourquoi je ne m’attaque pas à ceux qui m’ont poussé à en arriver-là ? Parce qu’ils m’ont appris, ils nous ont appris, Joseph, que c’est plus grave, plus dangereux, plus risqué, de s’attaquer à eux. Que s’attaquer à eux, c’est offrir la victoire au chaos. Jusqu’à présent, j’ai bien retenu la leçon, et bien, c’est terminé, Joseph.
— Terminé ? reprit Joseph craintivement.
— Oui, terminé. Vous avez un pied-de-biche ?

Joseph passa dans l’arrière-boutique et revînt avec un lourd pied-de-biche. Il le confia à Laure sans poser de question. Après tout, elle était toujours du bon côté du revolver. Elle renfila sa cagoule, ordonna à Joseph de l’attendre là, et, plus armée que lors de son intrusion, quitta la boutique en bloquant la porte. Le tintement du mobile accompagna sa sortie. Joseph se réinstalla confortablement dans son fauteuil bien décidé à respecter la consigne qui venait de lui être donnée. Du coin de l’œil, il devina Laure disparaître dans la nuit. Du fond de son fauteuil, il entendit des coups métalliques réguliers, ponctués par des gémissements d’effort et de nombreux jurons. Laure tentait de forcer le distributeur automatique à moins d’une centaine de mètres de l’échoppe. Il y eut alors un vacarme assourdissant, un bruit qui lourd qui se répéta trois fois et un cri de joie. Laure réapparut dans le cadre de la porte. Elle jurait toujours, avec entrain. Elle rentra dans la boutique, essoufflée, toujours l’arme au poing. Toujours le pied-de-biche dans l’autre main. Elle le posa sur le comptoir, se saisit du sac, s’en alla de nouveau, revînt à peine une minute après. De la rue, Joseph entendait des cris et de l’excitation. On devait se battre autour du distributeur automatique éventré.  Une alarme retentissait, des sirènes flottaient dans le fond de la nuit. Laure fit sa dernière apparition dans la boutique, cagoulée, désarmée. Elle posa le sac de sport sur le comptoir, fièrement. D’un zip, elle l’ouvrit. Il n’était pas plein, mais contenait déjà plusieurs milliers d’euros. Elle prit une poignée de billets, et la fit tomber sur les genoux de Joseph. Les sirènes se rapprochaient.


« Merci Joseph, dit-elle avec soulagement. Je vais filer un peu de cet argent aux anciennes collègues, et garder le reste pour les gosses. Et j’crois bien qu’il va falloir que j’me fasse discrète quelque temps. Mais je crois que ça en vaut la peine. Grâce à vous, grâce à votre tiroir-caisse vide, alors que vous êtes là à travailler toute la nuit, j’ai eu le déclic. J’ai trouvé le courage de m’attaquer au système, pour vous, pour ma famille, et pour moi, aussi. »

Joseph tenta bien de répondre quelque chose, mais Laure ne lui en laissa pas le temps. Elle lui jeta une autre poignée de billets derrière son comptoir et s’en alla, cagoule toujours vissée sur la tête. Joseph la suivit du regard. Il se leva de son fauteuil pour suivre sa course, mais elle tourna à la première rue. Au fond, les gyrophares bleus approchaient à toute allure. Il ferma la porte de « La Nuit du Levant », retourna à sa place, ramassa les billets et les rangea dans un paquet de gâteaux à moitié entamé. Son frère n’avait pas besoin d’être mis au courant de cette histoire. Il se rassit dans son fauteuil. Dans un soupir satisfait, il ferma les yeux et commença à somnoler. En laissant vagabonder ses pensées, il se demanda ce qui se serait passé s’il avait trouvé le temps de dire à Laure que, depuis un moment maintenant, tous ses clients payaient par carte bancaire.


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5 Commentaire(s)

  1. […] Previous post: Sept Euros et Vingt-Huit Centimes Posted Il y a par larathure […]

  2. […] courtes, c’est que je pourrais aller vers un récit situationnel (un peu à la manière de ma dernière nouvelle), dans lequel l’évolution de la situation et des personnages n’est, finalement, pas si […]

  3. Oh cette chute ! Le coup de la CB je ne l’avait pas vu venir…
    Je trouve ça presque dommage, parce que finalement ça brise un peu cette « complicité » naissante. Mais d’un autre côté, braquer quelqu’un c’est mal, donc bon. Il ne lui doit rien non plus ^^ (Et ça n’aurait rien changé je suppose)
    Le thème Robin-des-bois-esque est très bien. La prise de conscience de la braqueuse est toute à son honneur, si l’on peut dire.
    C’est une histoire intéressante, le suspense m’a donné envie de lire la suite.
    Petit bémol peut-être ? le monologue de Laure sonne moins naturel que le reste. On sent plus ta plume à toi et moins sa personnalité à elle, je sais pas si tu vois ce que je veux dire ?
    (Je trouve toujours hyper difficile d’écrire des dialogues et j’y prête peut-être plus attention qu’au reste 😉 )
    A la prochaine 🙂
    La bise

    1. Ah merci pour ton retour !
      Je vois complètement ce que tu veux dire sur le monologue de Laure, et maintenant que tu le dis, ça m’apparait beaucoup plus clairement, alors qu’effectivement, je sentais que quelque chose n’allait pas dans son propos !
      Et pour la chute, j’ai un peu cette fâcheuse tendance à aller chercher une chute pour créer le décalage, mais il serait bon que je me force à écrire des nouvelles qui se tiennent sans ça, et qui ne laissent pas pour autant lecteurs et lectrices sur leur faim !

      1. Ah tant mieux si tu vois ce que je voulais dire ???? Après c est toi qui a raison dans le sens où une nouvelle est sensée se finir par une chute. Peut être qu en tant que lecteur on est trop habitué au happy ending ^^

Répondre à Les Carnets de La Rathure – 13 mars 2020 – La Rathure Annuler la réponse

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