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Sapins

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Cette nouvelle est intimement liée à la nouvelle Le Buffet, que je vous recommande de lire avant. Bonne lecture !

Oncle Bébert arrive enfin. Rémi reconnaît le bruit de son vieux pick-up Nissan, incassable comme il aime à le rappeler à chaque fois à Hervé, le papa de Rémi. Il entre dans la maison, bruyant comme à son habitude, embrasse grassement Françoise, la maman de Rémi, sur les joues, sous les yeux toujours un peu jaloux, d’Hervé. Françoise et Hervé installent de quoi prendre l’apéritif sur la table du salon. Il est déjà tard, trop tard pour qu’ils aillent à la pépinière ce soir, alors autant passer tout de suite aux réjouissances, disent-ils. Rémi a le droit à son verre de jus d’orange, grignote les biscuits apéritifs avec frénésie. Ses joues gonflent comme celles d’un petit rongeur. Il s’est assis en tailleur, au bord de la table, juste à côté du fauteuil d’Oncle Bébert qui lui secoue la tignasse à chaque fois qu’il éclate de rire. Souvent donc. Comme les adultes sont occupés à parler, Rémi est occupé à manger les canapés que Françoise a essayés, pour préparer le repas de Noël. Rémi les approuve, Hervé et Bébert aussi, même s’ils ne peuvent en goûter qu’un. Il y a du miel, non ? Françoise acquiesce. Oncle Bébert entame une nouvelle anecdote avec des abeilles, une ruche et des fleurs butinées. Françoise et Hervé ont des rires gênés à la chute, Bébert fait semblant de boucher les oreilles de Rémi qui éclate de rire parce qu’il sent bien que l’histoire est drôle. Déjà, Hervé enchaîne avec une nouvelle histoire, de quand ils étaient jeunes, et Bébert ponctue chaque phrase d’un « qu’est-ce qu’on était con à c’t’époque». Rémi regarde Oncle Bébert avec admiration. Il l’aime bien. A chaque fois qu’il est à la maison, ses parents sont beaucoup plus joyeux. La maison est heureuse.


Il ne connaît pas son prénom. Rémi, il ne connaît pas le vrai prénom d’Oncle Bébert. Tout le monde l’appelle Oncle Bébert, alors il fait de même. Il n’ose pas demander, même si ça le turlupine depuis qu’il sait que ce n’est pas son vrai prénom. C’est un surnom ou un diminutif, comme il préfère. Ce qu’il préférerait, c’est de connaître son vrai prénom. Mais s’il demande, Hervé lui dira sûrement encore qu’il fait son intéressant à vouloir appeler Oncle Bébert différemment. Déjà qu’on l’appelle Oncle alors qu’il ne fait pas partie de la famille ! Ça lui a joué des tours, à Rémi. Lors de l’interrogation sur les arbres généalogiques, il n’y avait pas de branche pour Oncle Bébert, alors il en avait rajouté une, à côté, pas vraiment reliée, mais qui tenait en l’air quand même. La maîtresse lui avait dit qu’elle ne pouvait pas tenir là, comme ça, cette branche, qu’Oncle Bébert ne faisait pas partie de la famille, pas du même arbre. Rémi n’avait pas voulu l’effacer, alors qu’il aurait suffi d’un coup de gomme. La copie fut ornée d’un « C – » gras et rouge. Rémi pensa alors que sa maîtresse ne devait pas savoir que la famille, ce n’était pas qu’une question d’arbre ou de branche, comme le lui avait expliqué son papa une fois. Bien qu’avec Oncle Bébert, il était souvent question d’arbre ou de branche, pas les mêmes, parce que les arbres généalogiques, c’est avant tout une image. Bébert venait souvent pour aider les parents de Rémi à élaguer le grand peuplier à l’entrée de l’allée, à abattre le vieux saule qui menaçait de s’effondrer après la tempête ou, comme aujourd’hui, à bien choisir un bel arbre de Noël et à le transporter jusqu’à la maison. C’était plus simple avec le pick-up, on ne mettait pas des aiguilles — ou des épines, Hervé utilise les deux termes — plein la voiture, une vraie plaie à nettoyer, et ils pouvaient prendre un sapin bien plus grand.


Il est l’heure d’aller se coucher, pour Rémi, tout du moins. Il est déjà en pyjama, s’est brossé les dents alors que les adultes sont encore en train de dîner. Il fait le tour de la table pour faire des bisous et dire bonne nuit à tout le monde. Arrivé au niveau d’Oncle Bébert, il lui demande s’il peut venir avec lui, demain, pour aller chercher le sapin. Rémi n’a jamais vu la pépinière, et il l’imagine comme un endroit merveilleux dans lequel il espère bien rencontrer quelques lutins de Noël qui s’assurent, discrètement, que tout le monde a bien un sapin sous lequel le Père Noël pourra déposer les cadeaux. Avant même que Bébert ne réponde, Hervé le coupe en disant que ce n’est pas une bonne idée. Avec le sapin, ils risquent de manquer de place dans le pick-up. Mais Françoise l’interrompt à son tour et trouve au contraire l’idée charmante, puisque ça permettrait de faire une sortie en famille. Ils n’en font pas si souvent que ça. Hervé pense qu’il suffira de faire une balade dans la forêt quand ils seront revenus. Françoise dit que ce n’est tout de même pas la même chose, mais qu’elle n’a pas envie de se disputer maintenant alors elle va chercher le dessert dans la cuisine. Bébert répond à Rémi que ce sera aux parents de décider et qu’il ne peut rien pour lui. Rémi va se coucher, un peu déçu.


Le lendemain matin, Rémi est réveillé par la bonne odeur du café chaud. Il n’aime pas le café ; pour l’odeur, c’est autre chose. Françoise l’accueille dans la cuisine avec un grand sourire « Prêt pour aller chercher le sapin, mon petit écureuil ? ». Elle lui fait deux gros bisous sur la joue. Rémi regarde son papa interloqué, qui regarde Françoise à son tour. « Ton papa a changé d’avis, petit écureuil, la nuit a été une très bonne conseillère ! C’est pour ça qu’il faut aller se coucher tôt quand maman le dit ! » Hervé rougit, Rémi est ravi. Il avale en vitesse son petit-déjeuner et en moins de temps qu’il n’en faut pour l’écrire, le voilà prêt à partir. Oncle Bébert est déjà dans son camion, comme il l’appelle, à klaxonner pour se mettre en route. Si on n’y va pas assez tôt, il ne restera plus que les arbres décharnés ou avec des branches cassées ! Hervé monte dans le pick-up avec Bébert, Rémi avec Françoise dans la citadine et le petit convoi se met en route pour la pépinière. Bébert klaxonne à tout-va, Françoise laisse Rémi lui répondre.


La pépinière est encore plus merveilleuse que Rémi ne l’avait imaginée. Des sapins de toutes tailles s’amoncellent dans tous les coins, composant une multitude de petits bosquets. La neige a recouvert une partie des arbres. Quelques guirlandes électriques tracent un parcours lumineux à travers la forêt, tel un fil d’Ariane étincelant. Des enceintes dissimulées crachent des chants de Noël de piètre qualité, son saturé qui sonne divinement bien aux oreilles de Rémi, émerveillé. Il court d’arbre en arbre, voulant celui-ci, préférant finalement celui-là, en découvrant un autre encore plus majestueux que les précédents. D’un œil attentif, mais sans en parler, il surveille les lutins, mais il n’en aperçoit aucun. Ils ne doivent pas pouvoir se montrer aux adultes. Alors Rémi essaie de semer ses parents — ses racines, si on reprend l’image de l’arbre pour la famille, même si la plupart des arbres généalogiques sont construits à l’envers dans ce cas, ce que la maîtresse de Rémi n’a jamais voulu savoir non plus — à plusieurs reprises. Il se faufile en dehors des allées, sautant au-dessus des cordes qui tracent le chemin, passe sous les rameaux et fait vaciller des arbres à l’équilibre d’apparence précaire, qui, heureusement, ne chutent pas. Sans cesse, il finit par retomber sur une allée, sur ses parents, sur Oncle Bébert, sans jamais voir un seul lutin.


Il finit par réussir à leur échapper, alors qu’Hervé lui demande de se tenir un peu tranquille, enfin. Françoise est en train de discuter avec Bébert du meilleur emplacement pour le sapin. Rémi en profite pour s’engouffrer dans un nouveau bosquet, jusqu’à ne plus entendre la musique jouée par les enceintes. Il chuchote, appelle les lutins, essaie de grimper aux arbres, retombe parce que les branches se brisent ou parce qu’il perd son équilibre. Il entend un craquement derrière lui, suivi d’un râle. Des lutins ? Non, les lutins sont discrets, secrets. Une bête sauvage ? Un ours, ou un loup peut-être. Elle pourrait vivre au milieu de la pépinière, se nourrissant des enfants qui, comme lui, s’aventurent trop loin des allées. Ses parents lui ont raconté de nombreuses histoires dans lesquelles ce genre de choses a lieu. Rémi ne se sent pas l’âme d’un chaperon rouge. Pris de panique, il s’enfuit sans pouvoir se presser tant les arbres sont serrés. Il chasse les ramages de coups de bras incertains, il enjambe les branches trop basses, esquive celles trop hautes, il essaie de se repérer aux chants de Noël qu’il entend. Il s’approche d’une allée, de la sortie. Elle le poursuit toujours, la bête, il l’entend. Souffler, respirer, point de côté. Ecarter les branches, lever les jambes, hautes, ne pas trébucher. Les silhouettes se dessinent maintenant derrière les sapins, les ombres passent, l’allée. Allez ! Un dernier pas, le pied sur le chemin, une force qui l’agrippe, le ramène en arrière. Non, c’est trop tard, il est sorti, ce n’est plus du jeu ! Deux formes, en face, s’approchent, écartent les arbres, viennent à son secours :

« Ah bah te voilà, Rémi ! Bébert a quand même réussi à te rattraper ! »

Hervé et Françoise dévisagent leur fils, le visage rougi par la course et la peur, les joues griffées par les sapins, la bouche crispée par la panique. Rémi lève la tête, pour voir Bébert, derrière lui, essoufflé, aussi.

« T’as bien filé, gamin… Quand j’t’ai vu partir j’ai… essayé de t’attra…pé mais… Pfiou… Tu l’mérites ton surnom… D’l’écureuil hein… Pas facile de t’pister… »

Bébert donne une petite tape sur la joue de Rémi, comme pour le féliciter. Le garçon affiche un grand sourire, très fier. Il a gagné contre Bébert, il a pleinement repris son souffle et ses esprits, prêt à faire une deuxième partie. Hervé et Françoise disent qu’ils n’ont pas le temps, il faut charger le sapin dans le pick-up. Rémi n’y prête pas attention, il touche sa maman sur la main et s’en va en criant « maintenant, c’est toi le chat ! » avec sa voix d’écureuil. Hervé et Bébert le suivent. Françoise leur court après en riant.


Le sapin que Françoise et Hervé ont choisi est grand. Grand, mais très étrange constate Rémi. Il est beaucoup plus fin que ceux des années précédentes, il est tout blanc, et ce n’est pas de la neige. Il ne comprend pas pourquoi ils ont pris un sapin comme celui-là. Est-ce qu’ils ont peur qu’il se perde dans le sapin de la maison parce qu’il s’est perdu dans les sapins de la pépinière ? S’il s’est perdu ici, c’est parce qu’il y en avait plusieurs. Personne ne s’est jamais perdu dans un seul sapin ! Bébert lui explique que c’est un sapin comme les autres, qu’il a été mis dans un filet pour faciliter son transport. Rémi est rassuré, bien qu’il ne le croie pas tout à fait. Il attend de voir, à la maison. L’arbre est si grand qu’il dépasse largement de la plateforme du pick-up. Bébert craint qu’il ne tombe en route, aussi, on décide de le coincer dans la cabine à travers la vitre de derrière. Il encombre l’habitacle, mais au moins, il ne tombera pas. Ou s’il tombe, on le verra tomber. Il faudra être prudent sur la route.
« Tu veux monter dans l’camion avec moi, gamin ? Tu l’as bien mérité après ta course folle ! »
Bébert tient Rémi par l’épaule. L’enfant supplie, presque à genoux, ses parents de dire oui, oui, OUI ! Ils s’inquiètent, le sapin masque le rétro de droite, occulte, en partie, le central. Bébert les rassure, Rémi pourra s’attacher au milieu — il y a trois places — et il sera très prudent sur la route, quitte à rouler vraiment doucement pour que tout le monde arrive entier et bien vivant à la maison. Rémi continue de supplier ses parents, en trépignant maintenant. Il a vraiment TROP envie de faire un tour dans le camion  d’Oncle Bébert avec le sapin. Hervé et Françoise finissent par acquiescer, Rémi éclate de joie et s’engouffre dans le camion, après leur avoir fait un câlin pour les remercier.


La citadine part devant et, bientôt, Rémi n’en voit plus les phares. Bébert tient sa promesse, il roule prudemment, au désarroi de Rémi qui n’ose rien dire. Il apprécie d’être dans le camion, de voir la route défiler à travers le pare-brise, de sentir le sapin se frotter à lui. Le filet craque un peu, il s’est déchiré lorsqu’Hervé et Bébert l’ont glissé par la petite fenêtre. Les branches essaient de se libérer de leur entrave. L’une d’elle finit par y arriver, soudainement, frôlant le visage de Rémi, qui l’a esquivée en se blottissant contre Bébert. Rémi rigole. Bébert aussi. C’est un sapin sauvage, il va falloir le dompter ! Est-ce que tu t’en sens capable Rémi ? Bien sûr qu’il s’en sent capable. Bébert lâche une main du volant et la passe autour de Rémi pour le rassurer et le serrer contre lui. Il lui caresse l’épaule, le haut du bras, pour le réconforter. Rémi repose sa tête contre la poitrine de Bébert. Il baille. La poigne de son oncle se fait un peu plus forte, plus serrée. Rémi commence à frissonner. Il n’a pas froid, il se sent mal à l’aise. Il essaie de reprendre sa place, au milieu, entre son « oncle » et le sapin. Le bras de Bébert le retient.

« Alors gamin ? Qu’est-ce qui se passe ? T’es pas bien avec moi là ? »

Il continue à le câliner en le regardant de temps en temps, quand la route est droite, qu’il n’y a personne en face. Les caresses se font plus oppressantes, les attouchements plus intimes. Il descend le long du corps du garçon, le tient maintenant au niveau des hanches, lui sert le bassin. Il ramène sa main sur la cuisse de Rémi, il en fait presque le tour d’une main, glisse deux doigts dans l’entrecuisse, remonte vers l’entrejambe. Rémi crie, se débat, sans rien comprendre. Il sait juste qu’il ne veut pas de ce qui se passe. Bébert le gronde, lui dit d’être gentil, lui rappelle qu’il l’a laissé monter dans le camion, qu’il faut qu’il soit un bon gamin, que sinon ça se passera mal. Rémi essaie de s’écarter, de toutes ses forces, il essaie de se glisser, comme entre les sapins. Bébert le saisit au niveau du cou, et le plaque contre lui, le visage du garçon contre son jean tâché d’huile de moteur. Il lâche le volant pour défaire sa braguette d’une main, maintenant toujours Rémi de l’autre. Le pickup fait quelques embardées, mais reste sur la route. Rémi pleure, pousse des cris stridents qui renforcent l’énervement et l’excitation de Bébert. Il va le faire taire, et il va aimer ça, répète-t-il sans cesse. Les dents de la fermeture éclair tailladent Rémi au visage. Bébert essaie d’écarter son slip, sans y parvenir. Un virage serré, qu’il avait oublié sur la route, le pousse à reprendre le volant. Il maintient le visage de Rémi contre son sous-vêtement en coton, en lui criant d’être un bon gamin, qu’il va aimer ça. Rémi n’a plus la force de se battre, il se sent s’effondrer, son corps relâcher, l’abandonner. Il sent le dégoût monter, le dégoût de ce qui se passe, le dégoût de Bébert, le dégoût de lui-même. Il vomit tout ce que son corps pouvait contenir. Bébert l’insulte, le frappe sur la tête. « Espèce de p’tit con, si tu crois que ça va se passer comme ça ! » Mais ça ne l’arrête pas. Il continue à compresser le visage de Rémi dans son jean, dans le vomi acide, contre son sexe qui durcit. Comme s’il s’était libéré de ce qui l’avait poussé à renoncer à la lutte, Rémi reprend de la vigueur. Il parvient à se redresser, juste un peu, pour pouvoir respirer. La poigne de Bébert se fait un peu moins forte. D’instinct, Rémi mord dans le coton, sur cette forme menaçante et enflée qui gonfle. Il sait que c’est fragile. Bébert hurle de douleur, relâche complètement le cou de l’enfant. Il lui assène une claque violente qui projette Rémi dans le sapin. Le choc brise les mailles de plastique et le sapin se déploie sur Rémi. La sève colle à ses cheveux, à sa peau, l’odeur lui envahit les narines, les épines lui griffent le visage, les mains et les poignets. Bébert continue à le frapper du bras droit, l’enfonçant chaque fois un peu plus dans les ramages de l’arbre. Il le gronde, se calme, s’excuse puis le frappe et le menace à nouveau. Rémi ne l’écoute pas, il se protège, la tête dans les bras, se bouche les oreilles. Il cherche à s’engouffrer tout entier dans le sapin, à se cacher, comme un écureuil, dans sa forêt. Les insultes et les coups lui parviennent toujours. Et puis Bébert se calme.

« On est arrivé gamin. Remets toi bien, c’est pas une manière de s’présenter devant ses parents. »

Bébert a retrouvé sa voix normale, grave et douce, ses intonations pleines de sérénité. Il sort Rémi du sapin avec facilité, le redresse, tapote ses vêtements comme s’il espérait que ça efface le trajet, les traces de coup et des rejets de Rémi. Il a refermé sa braguette. Françoise et Hervé les attendent devant la maison.

« Vous avez mis le temps, Bébert ! Bon au moins on peut compter sur toi, t’as roulé doucement. »
Bébert sort le premier, le pantalon et la chemise souillés.

« Oh bah merde Bébert, qu’est-ce qu’il s’est passé ?
– C’est rien Françoise, l’gamin s’est senti mal dans l’camion, ça secoue plus que dans votre bagnole. J’pense qu’il a besoin de se reposer, il est pas bien, il a vomi et a passé le trajet dans l’sapin.
– Mais t’es pas bien Bébert ! s’écrit Françoise en découvrant son fils amoché, sonné, n’osant pas sortir de la cabine du camion. Pourquoi tu ne nous as pas appelés ? Viens mon chéri, t’as été malade, hein ? Hé, ce n’est pas grave, d’accord ? Tu vas aller te nettoyer et faire un bon dodo, ok ? C’est pas grave du tout, t’as rien fait de mal, personne n’est fâché après toi. Tu viens voir maman, Rémi ? »


L’enfant ne bouge pas, il tremble, il grelotte, il hoquette, il pleure. Françoise monte sur le marchepied pour essayer de l’attraper. Elle lui détache sa ceinture. A peine le touche-t-elle qu’il se débat. Il la repousse, elle manque de tomber en perdant l’équilibre sur la marche du pick-up. Comme s’il retrouvait un instinct de survie, Rémi se redresse, aux aguets, se projette en dehors de l’habitacle, croise le regard d’un Bébert incrédule, l’évite, le contourne, fonce dans la maison, ferme chaque porte derrière lui, se réfugie sous sa couette. Il renverse ses caisses de jouet, sa chaise, sa lampe, met tous les obstacles possibles entre lui et l’extérieur. L’odeur de la résine de sapin l’oppresse, les épines qui se sont glissées sous ses vêtements le démangent. Il se gratte, machinalement, jusqu’au sang. Il crache, il expulse, il tousse tout ce qu’il peut pour faire partir cette odeur, cette sensation horrible qui ne le lâche pas. Dans la maison, il entend sa mère crier après lui. Dehors, par la fenêtre, il entend Hervé engueuler Bébert, chercher à comprendre ce qu’il vient de se passer. Bébert monte la voix, dit qu’un gamin comme ça, il n’en a jamais vu, qu’il est malade, que c’est un sacré con, qu’ils ne sont pas prêts de le revoir et que de toute façon, il a toujours pensé qu’Hervé et Françoise, surtout depuis qu’ils ont leur gosse, étaient des connards. Rémi entend le camion repartir, Hervé gueuler plus fort encore. Françoise lui demande de sortir de sa chambre. Elle crie, elle sanglote, parce qu’elle ne sait pas quoi faire. Est-ce qu’elle devine ? Est-ce qu’elle refuse d’imaginer ? Est-ce qu’elle ne comprend vraiment pas ? Rémi ne bouge pas, il reste dans le noir à se débattre avec ce qu’il vient de vivre. Il ne sait pas ce qu’il a fait de mal, mais il sent, au fond de lui, qu’il a dû être méchant, infect, pour mériter tout ça. Il ne leur en veut pas, il veut juste se débarrasser de cette odeur qui ne veut plus le lâcher. Il ne veut plus jamais la sentir.


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